Tag Archives: liberté

l’Humanité

l'Humanité - Les Innocents de David Noir
Toute la presse
Les Innocents de David Noir - Affiche Filifox - Philippe Savoir - Photo Karine Lhémon

par Aude Brédy

l'Humanité - Les Innocents de David Noir

“Innocence définitivement égarée”

l’Humanité

Rubrique cultures

Article paru dans l’édition du 16 juillet 2004

 

Innocence définitivement égarée

Les Innocents, mis en scène par David Noir, nous plonge dans un abîme de vulgarité.

Musique du répertoire Woodstock pour ouvrir, entre autres, tisser la matière sonore de ce qui pourrait évoquer un happening des années 70. En fond de scène défilent, en noir et blanc, des hommes et femmes jeunes, oisifs, dont les visages se frôlent et les corps cherchent à se rapprocher. Devant ce film évoluent dolemment des jeunes gens en pagne.
Le visage de chacun a un air marqué de candeur, hébétude appuyée et le sourire sont parfois dédaigneux. Les bouches s’entrouvrent çà et là pour égrener d’une façon qui se veut incongrue, percutante – éventuellement choquante – des aphorismes aux homonymies de tout poil, si possible salaces. Parmi eux, “la France, cette grosse femme”, “une bonne blague tirée par les Chleus”, ou plus soft : “Entendez, braves gens, la complainte de la femme escalope”. Nous attendons plutôt. “Stewball”, en anglais, emplit l’air, et à l’écran un singe nous fixe. Les comédiens arpentent les gradins, se plantent sous le nez du spectateur, lui prennent la main, se collent à lui, en jouant les primates. Des corps ondulent deux à deux, dos à dos, avec un contentement manifeste. Un chant choral en anglais est entonné par de beaux brins de voix, vraiment ; il y en aura d’autres. Sur l’écran, un film anglais, des années cinquante peut-être, où dialoguent une femme et un enfant. Après, tout le monde se dépoilera avec une gourmandise ostentatoire. Des corps dans leur vérité d’abord courageuse, brute, puis les acteurs ébruiteront fièrement, à tout va, cette nudité-là, par, au demeurant, une présence active et d’une cohésion bien réglée, toutes d’allées et venues très physiques étayées de phrases choc. Au sol, les corps enchevêtrés forment au sol un monceau : une fille palpe des sexes masculins, en évalue la mollesse, un peu déçue. “Quelqu’un veut coller mon timbre avec sa chatte”, dit quelqu’un. On hausse discrètement les épaules, constatant que cette crudité de la langue, gratuite, nous dit décidément peu de choses. Ces filles et garçons endosseront ensuite des chemises blanches, des perruques blond platine ; ils chanteront, taperont du pied. Dans une note, le metteur en scène David Noir écrit : “Ces petits blonds aryens que nous nous pensons tous. Sentiment de supériorité occidentale ; on voudrait s’en défendre ; ça colle comme de la merde aux basques [.] on se convainc, on se dénazifie. C’est beau.” Soit. Dans ce blanc immaculé, ce blond péroxydé, se lit aussi le thème de l’enfance bafouée, au biais du motif de la pédophilie ici évoquée avec un second degré, qui nous répète à son tour qu’il veut troubler, déranger. L’ensemble de la pièce appelle à une prime innocence où il faut jouir sans entrave, évacuer oralement, par les images, ce qui n’est jamais malsain puisque cela “est”. Soit encore, pourquoi pas ? Mais ici nous n’avons pas été touchés par une once d’innocence, ni même par sa perte. Pourquoi ? À force de nous signaler si fort son envers, au biais d’une provocation débridée, les contours mêmes de la fragilité de l’innocence s’étaient altérés. Et que dire de cette jouissance que l’on invite ici à déborder le corps et l’esprit pour qu’elle ne soit pas honteuse ? Pourquoi se gaver, au-delà d’un sens précis (car il en faut bien un), de ce précepte-là ? Que dit-on ici qui ne soit pas déjà répété ? Il est une chose que l’on perçoit peut-être avec plus d’acuité : précédant toujours la jouissance, il faut le désir, qui est parfois obscène – et pas au regard de la morale – quand il s’exhibe. On l’aurait voulu ici plus subtil et ces corps d’une nudité brute, souvent belle, on sait bien que ce n’est pas d’eux que suinte la vulgarité.

Aude Brédy

Les Innocents, à 21 heures au Pulsion Théâtre, 56, rue du Rempart-Saint-Lazare.

Epok

epok - Sonia Codhant - Les Innocents de David Noir

EPOK le magazine de la FNAC

Cliquez sur la vignette de l'article pour voir l'original

THÉÂTRE Sonia Codhant

Avignon 2004
N°38 JUILLET / AOÛT 2003

Comédienne, elle a tout fait. Vivre de son art signifie parfois abdiquer, jouer les Falbalas au Parc Astérix, incarner les loubardes, les paumées ou les bourgeoises des téléfilms aux côtés de stars comme Line Renaud ou Claude Piéplu. Tête d’affiche ou faire-valoir, Sonia Codhant, 31 ans, a trouvé sa voie dans la compagnie La vie est courte – collectif d’artistes “performeurs”. Aujourd’hui administratrice, chanteuse, danseuse, comédienne, elle joue “off” le messie crucifié et s’ entoure d’hommes nus qui agitent sur son front une réelle “couronne des pines”. Superbe et pâle blonde au corps de Bimbo, elle joue les cannibales, les Rambo de banlieue ou les enfants extraterrestres. Elle se fait guerrière en jarretelles dans une satire à l’acide des temps contemporains, passant le monde à la moulinette d’un humour ravagé et d’une hargne sans brides. Sonia ose tout dans Les Innocents, le dernier spectacle du trublion David Noir. Parmi sa quinzaine de camarades tout aussi remarquables, elle irradie d’audace, de fraîcheur et d’une liberté rare.

Pierre Notte

Epok

epok - Les Innocents de David Noir
Toute la presse
Les Innocents de David Noir - Affiche Filifox - Philippe Savoir - Photo Karine Lhémon
epok - Les Innocents de David Noir

par Pierre Notte

epok - Les Innocents de David Noir

“Le printemps des rebelles”

EPOK le magazine de la FNAC

Cliquez sur la vignette de l'article pour voir l'original

THÉÂTRE

Le printemps des rebelles

Partout, en mars, la scène tente de réveiller les consciences. À Dieppe, seize filles et garçons, nus, ensanglantés, fustigent la société de consommation jusqu’à la déjection dans la dernière performance de David Noir. Seize à nez noirs mixe les thèmes de l’enfance, du sexe, de l’aliénation des consciences dans un effroyable zoo humain. Objet interactif, libre et non identifiable, ce spectacle créé lors du festival Visu se consacre aux mauvais traitements du corps, via la danse, les happenings, la musique et les arts plastiques. Le même plateau accueille Visage de feu, satire assassine d’une famille monstrueuse signée Mayenburg, mise en scène par Korsunovas, jeune prodige de la scène lituanienne. Autre chantre de la performance venimeuse, l’Espagnol Rodrigo Garcia, coqueluche du théâtre international, porte un regard politico-incorrect sur le despotisme parental et les conventions mortifères. Cinq de ses pièces sont jouées simultanément: Notes de cuisine à partir du 25 mars à Lyon; Boucher espagnol dès le 19 mars à Poitiers; Jardineria-Humana à compter du 11 mars à Grenoble; J’ai acheté une pelle chez Ikea pour creuser ma propre tombe le 27 mars à Annecy; et, enfin, Borges début avril à Toulouse. En outre, Ronald le clown de McDonalds, la plus violente de ses charges, sera présentée cet été au Festival d’Avignon.

Pierre Notte

Elle

Elle - Les Innocents de David Noir

ELLE

Cliquez sur la vignette de l'article pour voir l'original
12 mai 2003

FESTIVAL LE THEÂTRE SE DÉSHABILLE

Quoi de neuf au théâtre ? Le Festival d’Avignon étant en voie de mémérisation patente, la réponse pourrait venir de Rouen. Après tout, il y a aussi un fleuve et des ponts dans la capitale normande. Et on s’y intéresse de près au spectacle vivant. La preuve avec « Corps de textes », deuxième édition, ambitieux rassemblement consacré à la découverte d’auteurs vivants, français et étrangers, dramaturges mais aussi chercheurs. Spectacles, rencontres, salons autour de lectures commentées, les passionnés de l’écriture théâtrale, de ses formes, de ses enjeux, de son avenir et de sa géographie ne sauront plus où donner de l’oreille. Les plus fripon(ne)s choisiront peut-être la section « limites », interdite aux enfants, qui s’interrogera, les 16 et 23 mai, sur les frontières de ce qui peut être représenté sur scène – littéralement: l’obscénité. Un programme non seulement sulfureux, mais plutôt prestigieux, avec des textes de Michel Foucault et du poète Pierre Guyotat, une adaptation de « La Vie sexuelle de Catherine M. », et, en guest-star de la nuit, Xaviera Hollander. 1/ y a vingt ans, cette Néerlandaise peu farouche avait fait scandale avec des confidences très olé-olé. Aujourd’hui, elle se consacre au théâtre et raconte son enfance. L’impudeur mène à tout. Et la curiosité, en Seine-Maritime.

G.V.

« Corps de textes », à Rouen, du 13 moi au 18 juin. (Programme au 02 35 70 22 82.)

le dauphiné VAUCLUSE

le dauphiné VAUCLUSE - Les Innocents de David Noir
Toute la presse
Les Innocents de David Noir - Affiche Filifox - Philippe Savoir - Photo Karine Lhémon
le dauphiné VAUCLUSE - Les Innocents de David Noir

par Thierry Alcaraz

le dauphiné VAUCLUSE - Les Innocents de David Noir

“Les Innocents : Polochons, chaînes et morale”

Le Dauphiné Vaucluse

Cliquez sur la vignette de l'article pour voir l'original

Jeudi 24 juillet 2003

« Les Innocents » : Polochons, chaînes et morale

Au théâtre Pulsion à 22 h

Avec intelligence, le metteur en scène, David Noir nous fait rentrer sensiblement dans un cadre, hors cadre, le cadre d’un droit à la jouissance pour la jouissance et simplement, pour ça. La nudité est de mise et le jeu du sexe s’avère important. Nous sentons qu’il est parfois bon de se découvrir avec humour. Certes; c’est une farce où nous rions. Alors tout doucement, les acteurs, chanteurs êtres humains nous redonnent un message légèrement plus provocateur. Des textes qui tirent vers l’absurde, courts mais efficaces et détonateurs de réactions. On pourrait se poser la question “pourquoi ces vidéos pornos ?” On pourrait aussi répondre “pourquoi pas”. C’est tout le principe du travail de cette équipe. Mais au-delà de cela, serait-il immoral de voir une fellation en groupe ? Oui, ça dérange, mais ce n’est peut-être pas eux qui nous dérangent mais plutôt une société qui nous demande de moins en moins nous émouvoir et d’éviter les érections intempestives. Cette pièce est en train de nous dire de ne pas avoir honte de notre sexualité et surtout pas de ses particularités. Il est rare de voir des gens qui ne trichent pas, pas de slip couleur chair, pas de nudité voilée. Mais au-delà de ce rapport à la « poilitude » il se passe sur le plateau un monde de déraison, qui nous fait apercevoir que l’ensemble de la société est folle, malade, qu’elle avance vers une crise annoncée. Tout au long de la pièce, que ce soit la poupée Barbie ou les grands créateurs au portefeuille aussi grand que leurs décors, tout le monde en prend pour son grade. Il y a aussi dans ce spectacle, une question posée : « Que se passerait-il si nous libérions tout le monde, toutes les consciences, de l’emprise morale de censure ? » Une dernière musique démarre, la lumière des gradins s’allume et les comédiens nous invitent à une dernière danse libératoire, comme une nouvelle façon d’applaudir, d’adhérer. Nous nous apercevons, par notre impossibilité de répondre à cette invitation, qu’une fois sortis des règles, nous sommes handicapés. Le décor se range, des clowns au nez noir balayent le plateau comme des enfants après une grande bataille de polochons et de petits soldats. Maintenant, il est de notre ressort de savoir si nous voulons un monde de jouissance ou un monde de castration. Merci monsieur le « metteur », merci mesdames et messieurs les acteurs. Un grand moment jouissif.

Thierry ALCARAZ
Real Time Web Analytics