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ARTS ET SPECTACLES

Arts et spectacles - Les Innocents de David Noir - Témoignages de spectateurs

Les Innocents
David Noir

Genre :Théâtre

Mise en scène : David Noir

Compagnie : La Vie est courte
Avec : V. Brancq, S. Codhant, A. Laurier, F. Médina, M. Notte, M. Piémontèse, A. Tournayre, J-F. Rey, J-H. Laleu, P. Savoir, J.Meystre, J. Coulomb P. Groleau, R. Bardet, D. Noir
Décor : David Noir
Musique : Jérôme Coulomb, Pascal Groleau, Pierre Notte
Lumière : Staff

Durée : 1 heure(s) et 15 minute(s)

Pulsion-Théâtre
56, rue du Rempart Saint-Lazare   Avignon
Bus: 1-3-4-9-12

du 08/07/2003 au 31/07/2003 à 22:00
tarif adulte : 15  réduit : 10

Des enfants fantômes aux nez noirs comme ceux des koalas forment le nouveau zoo humain. On s´y touche et s´y fait toucher en un gang bang d´orangs-outangs pas dégoûtang. Vous pourrez joindre vos corps à nos chairs mêlées, nus si vous voulez comme à l´aube d´une humanité en transports dans des trains noirs et blancs, fantômes également, vers les camps des débris de nos nuits, quand on était petit.

Témoignages des spectateurs

Les primates nous attendent a l’entrée, nous dévisagent d’un air sauvage et me déstabilisent, je prend place puis le spectacle commence dans un rythme où les tableaux se succèdent dans une ambiance ou les fantômes sortent de l’esprit humain et dénoncent la déchéance; trois petites filles se promènent dans les bois où les arbres sont des hommes nus, elles seront dévorées (vous savez on peut se pendre avec un slip ou pire), la perte de l’humanité. La violence exprimée me fait penser à Orange Mécanique. La nudité et le cannibalisme par une scène où un homme nu chevauché d’une femme nue se font dévorés par des sauvages nus jusqu’à la mort sans espoir de retour.
Ils ont osé appuyer là ou cela fait mal, non très mal. Malgré un fort message de passivité et d’amour à la fin, je suis sur mes gardes car je sais que demain matin je penserai à cette pièce (et je ne vous cache pas que j’y suis retourné une deuxième fois).

Pierre Lebeugle

Dans ce pays de canicule, j’ai trouvé un peu d’eau fraîche dans un puits de liberté. Le Pulsion Théâtre est, cette année, habité par une énergie qui circule avec la force de la vie. Bousculée par un souffle chaotique et anarchique qui ne répond qu’à l‘écoute de sa force organique ce spectacle m’a fabuleusement réveillé. Dès l’entrée dans la salle, j’ai senti que ce serait une expérience singulière et ce fut le cas. Du ludique à l’horreur et de l’horreur au ludique, j’ai suivi ces petits chaperons rouges dans la jungle de nos non-dits.

J’ai vu l’âme d’enfant de ces êtres sur le plateau. J’ai vu de la joie, de l’étonnement, de l’ouverture. Partout. Partout. Beaucoup. Tout plein.

A travers un cheminement où se dessine un rapport au conte initiatique, on voit sur la scène se faire et se défaire des monticules de coussins et d’édredons, des seins jaillissent, des fesses se tendent, des sexes émettent des sons, des mots sans armes résonnent. Sur l’écran, au lointain, défilent les images de vieux films en noir et blanc, des séquences assez proches de l’univers des idiots de Lars Von Trier. Apparaissent sur la scène des elfes melting-pot qui nous parlent du racisme au quotidien. Ce n’est pas ce qu’on peut appeler du théâtre, c’est autre chose. Ca n’a pas de règle et ça se construit à chaque seconde. C’est du Sisyphe. J’ai le sentiment qu’à chaque représentation, ils doivent à l’instar du personnage mythologique porter ce spectacle en haut de la montagne et qu’aucune de leurs traversées ne se ressemblent. “Les innocents” dégoulinent de sueur et c’est beau. Le texte est lu comme pour un récital au micro. Le texte circule librement, sans barrière entre nous et eux, entre eux et le texte, entre le texte et nous. C’est une expérience à vivre ! Dans cette époque où tout se contracte, on réapprend à respirer. Ces “conscients inconscients”, ils luttent contre l’intolérance avec leur corps et leur coeur. Ils nous mettent aux pieds de nos murs intérieurs. Quelle lumière, pour moi, dans ces êtres lumineux de générosité, d’amour et de lucidité. Quelle subtilité, quelle sensibilité dans cette bande là ! Ca ne se prend pas au sérieux et ça ne développe pas, ni n’épilogue sur des vérités si fragiles, si monstrueuses. Cette pudeur n’épuise pas l’horreur dans des discours formels qui ne cherchent qu’à l’oublier. Mais on n’oublie rien. On vit tous avec notre mémoire… La nudité des corps sur le plateau me confronte à mes propres limites, elle se fait miroir des sexualités.

Au cœur de cette saison sombre en Avignon, de cette saison où on interroge les loueurs de salle sur la politique et l’engagement de leurs programmations, le Pulsion théâtre se distingue par ce choix audacieux et sensible. Celui de laisser parler “les innocents” miroirs de notre monde chaotique et terrifiant, celui de ne pas avoir peur d’entendre le vacarme lyrique de cette génération qui danse sa peur, qui chante ses rêves et qui cherche malgré tout au cœur de cette solitude infinie l’enfant qui rêve encore avec insolence. Merci à vous de m’avoir fait rêver.

Khadija El Mahdi

En Car Théâtral

En Car Théâtral - Les Innocents de David Noir
Toute la presse
Les Innocents de David Noir - Affiche Filifox - Philippe Savoir - Photo Karine Lhémon

par Jonathan Lenaert et Marco Bourgaux

En Car Théâtral - Les Innocents de David Noir

“David Noir Désir”

En Car Théâtral – Avignon 2003

David Noir Désir

Dernier volet d’un triptyque qui a débuté avec “Les Justes” et “Les Puritains”, “Les Innocents” choque. On aime ou on déteste, on interprète ou on baisse les bras pendant que les acteurs baissent le pantalon. David Noir, comédien et metteur en scène, revendique haut et fort son approche marginale de la scène, mais sa vision soulève tant d’interrogations qu’il serait bien trop facile d’en sortir complètement perdu, prêt à cracher dessus. Limiter cette pièce à une suite de petits pets métaphysiques mâtinés de prétention avant-gardiste déplacée serait un manque de respect envers l’auteur, et d’amour-propre envers soi-même si l’on ne veut même pas se donner la peine de comprendre. Que l’on adhère au propos ou pas, c’est un autre débat.

En Car Théâtral: Votre pièce suscite quand même pas mal d’interrogations. La première doit probablement être récurrente: le sens, le fil conducteur de l’oeuvre ?

David Noir: Le fil conducteur, s’il y en a un, est de l’ordre du psychique. Il fait appel à des sensations mentales. C’est le même depuis les trois derniers spectacles, qui s’appelaient “Les Puritains”, “Les Justes” et celui-ci. La base du travail que je fais, c’est la bulle d’enfance, l’abus par l’adulte. Mais ce n’est pas nécessairement l’enfance des enfants, c’est l’enfance qu’on est obligé de refouler, de maîtriser, de castrer, d’incarcérer etc.. Et il y a forcément une révolte à un moment donné qui nous tyrannise aussi. On est à une époque où les gens ont soif de fantasmes. Ce que j’appelle fantasme, c’est la fiction traditionnelle, le téléfilm FR3, qui est un faux rêve. Alors que pour moi, il s’agit de s’intéresser à soi quasi biologiquement et à ce moment on peut en démêler les fils. C’est assez paléontologique comme démarche ! Alors, ma pièce s’inspire d’une nouvelle d’Henry James, “Le tour d’écrou”, par les sentiments qu’il y a dedans, et tous les films qui s’y rattachent. On a fait beaucoup de séances de cinéma, de projections de films des années cinquante à nos jours qui étaient inspirés de près ou de loin des enfants du “Tour d’écrou”, comme “Le village des damnés”. Ces enfants me touchent car ils ne sont pas enfantins. Ils ne sont pas enfantins parce que, d’emblée on leur demande d’être adulte. Ils sont violés quelque part, mais ce sont des viols dont on ne parle pas, c’est cette fameuse pédophilie mentale qui est à l’origine de beaucoup de choses. On accuse les gros monstres visibles comme Jean-Marie Le Pen et Hitler, mais tout le monde a ça, à un certain degré. Le propos, c’est aussi que les gens ne sont pas forcément des gens biens, et le public non plus ! Il y a cette idée que le premier des racismes, c’est de penser qu’on est bien.. Moi, je préfère être précis plutôt que bien. Il y a des choses qui sont buvables, d’autres moins et tout ça doit s’exprimer avec le plateau de théâtre. c’est un endroit où ça peut se faire, où une forme d’improvisation existe entre le public et les acteurs. Comme le public est timide, ce n’est pas une solution d’aller le violenter parce qu’il n’a pas choisi forcément ça. Par contre, il y a peut-être une forme d’improvisation mentale qui peut durer dans la nuit d’après, sur laquelle il y a un petit retour. Il s’agit de laisser des images, c’est un peu comme un rêve, mais pas un rêve au sens onirique et banal du terme. Un rêve où on a une relation avec lui. Et ça, ça me plairait assez si ça fonctionne. ça fonctionne avec un public qui nous suit depuis “Les Puritains”, d’autres le découvrent. C’est un mouvement en marche !

E.C.T.: Vous auriez l’impression de vous vendre si vous écriviez de façon plus traditionnelle, de façon à rendre votre oeuvre moins hermétique au public ?

D.N.: si c’est transformer une partition transversale, verticale en une forme linéaire, c’est non ! C’est ma forme qui m’intéresse; le fond, tout le monde en a. Tout le monde boit, mange, baise. Pour moi, c’est la forme qui doit évoluer. Donc, si les gens ne savent pas lire ce que je leur propose, ils n’ont qu’à apprendre. Ce ‘est pas moi qui vais transformer mon écriture pour qu’ils sachent la lire. J’ai plutôt envie de tirer les choses vers ce que j’estime être le haut. Les gens gobent encore les entrées et les sorties des comédiens, ils ont encore envie de croire que lorsqu’un comédien rentre en coulisse pour se maquiller, le personnage est sorti. Moi, je ne peux pas ! ça m’intéresse de savoir qu’il est allé se faire maquiller !

E.C.T.: justement, vos coulisses se trouvent sur scène !

D.N.: Oui, les coulisses sont souvent géniales. Mais les coulisses de tout. S’il n’y a pas d’odeur dans un cinéma, c’est qu’il manque un auteur par exemple. Ce qui est important, c’est le sujet. Mais si on n’apprend pas parallèlement aux gens de s’intéresser aux choses, ils vont continuer à consommer. On en a rien à foutre de consommer, en fait. Le propos n’est pas d’ingurgiter de la culture et c’est là où ça se goure chez nous au niveau institutionnel. Ce n’est pas une affaire de consommation, c’est une affaire de savoir. D’ailleurs, ce n’est pas moi qui le dis, c’est une bulle de jeu vidéo: “le savoir est le trésor” ! Le langage du jeu vidéo, je trouve ça très beau mais ce n’est pas accessible à tout le monde. Mais ça commence à devenir plus populaire bien que ça reste très complexe. Et cette complexité est une richesse ! Ce que j’aime entant que spectateur, ce qiu est de plus en plus rare, c’est d’être perdu. Si je sais déjà, comme dans la plupart des films de cinéma, ce qui va se passer dès le début, ça ne m’intéresse pas. Ce n’est pas une incohérence pour moi parce que c’est vraiment écrit et pensé. Mais, “Les Innocents” pour moi, c’est au moins abordable à un premier degré sensitif, mais c’est aussi une demande d’activité de la part du public. Qu’il ait payé ou qu’il n’ait pas payé, je m’en fous, il n’y a pas de dieu argent là-dedans. Mais il y a une exigence, cette exigence que la demande du spectateur, parce que je ne suis pas satisfait la plupart du temps de ce qui se passe sur le plateau. Surtout que le plateau, c’est devenu la télé. Alors, si c’est ça notre récompense, merci !

E.C.T.: Comment fait-on pour convaincre des comédiens qu’il y a un sens réel à passer 50 minutes nu sur une scène et devant un public perturbé ?

D.N.: Je ne les oblige pas. Ils comprennent rapidement que le corps et l’animalité du corps est le sujet. ça exprime le désir, mais pas forcément le désir sexuel. J’essaye de voir ce qui est positif dans la vie et voir quelqu’un de nu, ça m’intéresse forcément, même si je le trouve à gerber par ailleurs. C’est la seule façon de le sauver pour moi. Mes comédiens, ce sont des amis. Je ne travaille pas avec des gens que je n’aime pas. Sur le plateau, j’essaye de faire en sorte, par une convivialité mutuelle, qu’il y ait une évidence que le corps doit apparaître. Après, si ça ne se fait pas, je n’obligerai jamais personne. Il y en aura toujours certains qui le feront et d’autres pas. C’est comme un aquarium avec diverses espèces animales et je tiens à respecter les espèces animales. Mais c’est tellement essentiel d’être nu et d’avoir cette représentation chez nous ! Ce n’est pas non plus un babacoolisme, c’est un exigence profonde de voir ce qu’est la représentation de l’être humain, et elle est basiquement d’abord celle-là. Et ça attaque le premier des refoulements. C’est comme les gens qui disent “l’homosexualité, on en a assez parlé”, mais on en parle toujours moins que 98% du reste !

E.C.T.: Dans votre pièce, à chaque déclamation, les acteurs prennent un carnet. Symbole ou aide-mémoire ?

D.N.: Le carnet est complètement à lire. Je ne demande pas d’apprendre le texte, parce que je n’aime pas non plus les rôles appris. On finit par entrer dans le rôle, donc dans la fabrication ou dans la contre fabrication. Donc, pourquoi passer par tout ça ? Moi, je n’ai pas le temps, parce qu’on ne gagne pas d’argent la plupart du temps, on est souvent dans des conditions assez difficiles. Ce carnet est physiquement important, tout comme les musiciens ont une partition dans certains concerts classiques.

E.C.T.: Comment se passe le processus d’écriture ? Sous influence “illicite” ?

D.N.: Non, sous mon influence. Je suis allergique aux drogues ! C’est dommage, d’ailleurs ! C’est peut-être dans l’air du temps, dans les seventies je l’aurais été volontiers.. Ma meilleure drogue c’est la haine, j’ai une profonde haine de beaucoup de choses et ça, ça dope énormément ! Mais j’ai aussi un certain amour, et ,je pense que c’est un journaliste qui a dit ça sur “les Justes”, la haine rend plus de services à l’amour que la complaisance. L’écriture, c’est très simple: j’écrit tout le temps, du matin au soir. C’est comme une défécation et après, il y a un recul. C’est le principe de la poésie, mais aujourd’hui la poésie n’a plus sa place dans notre société, on pense que c’est aller dire du Brassens dans le métro. Pour moi, ce n’est pas ça; c’est extrêmement actif, c’est concret et mes textes ont la cohérence de la poésie. C’est bizarre d’ailleurs qu’on se pose encore la question de la cohérence parce que, René Char, ça ne date pas d’aujourd’hui !

E.C.T.: vous pouvez comprendre que des gens du public utilisent le mot pervers pour qualifier votre pièce ?

D.N.: C’est une débilité profonde ! Je pense que personne ne pourrait le supporter. Ceci dit, tant mieux ou tant pis pour eux, parce que ça veut dire que ça leur renvoie quelque chose. Notre force à nous et ce que je cultive le plus, en dehors de tout esthétisme, c’est l’exposition du corps dans ce qu’il a de plus simple, de plus ludique et de plus enfantin et ça parle aussi du rapport homme-femme, dans le fait qu’on n’est pas dans ce rapport que je déteste et qui est le rapport des gens de la Nouvelle Vague, c’est-à-dire mettre l’amour sur un piédestal et puis me l’écrabouiller ! C’est un rapport d’une autre forme de sexualité, une autre forme de désir où on peut se faire tirer la bite parce que c’est aussi un jouet. Les filles, c’est plus délicat parce qu’il y a une intimité médicale, mais ça m’amuserait d’en faire un truc à “slot”, à pièce de monnaie pour avoir une bouteille d’Heineken derrière. Le fait qu’on s’en foute, c’est le grand fruit du travail ! C’est amusant de jouer avec son corps, mais si quelqu’un taxe ça de pervers, c’est qu’il a une sexualité très arriérée et qu’il est très dangereux pour nous.

E.C.T.: C’est votre objectif de remettre en question la sexualité du public ? Vous avez conscience que les gens du public regardent principalement les gens du sexe opposé ?

D.N.: Il y a une statistique qui dit qu’il y a un cinquième de la population qui est homosexuelle. Les gens font ce qu’ils veulent, ce qui m’intéresse c’est de me définir, moi. Ce que doit faire un auteur et c’est pour ça qu’il ne gagne pas sa vie par ailleurs. Parce que, tout le temps que je passe là, c’est du temps que je passe à ne pas bouffer ! Et ce qui est important pour moi, c’est de revendiquer ma bisexualité. Il faut savoir qu’il y a beaucoup moins d’hétérosexualité qu’on ne le pense, mais c’est une affaire de norme et je l’ai en horreur parce qu’elle n’existe pas en réalité. La seule norme qui existe pour moi c’est de savoir qu’il y a des gens qui font un bon travail et d’autres qui font un travail de merde ! Ceux qui ont une aura puante et ceux qui sont honnêtes…ça, ça a du sens.

E.C.T.: à un moment, dans votre pièce, on a droit à une belle fellation et une éjaculation faciale sur écran géant, quel est l’intérêt dans le spectacle ?

D.N.: C’est un moment de zapping de texte, et cette image de la pornographie, elle est très apaisante. Et, sur scène, on est dans un contexte d’enfant puis on apprend à être adulte, et ce grand nu de la fin, c’est un final en continu. Et cette sexualité qu’on n’a pas sur le plateau, c’est bien qu’elle soit représentée. Parce que c’est dur de bander sur le plateau et on n’a pas forcément envie de baiser ensemble ! Le problème du théâtre, c’est de ne pas vouloir représenter la pornographie et la pornographie, c’est le gros plan. Et c’est une des choses les plus intéressantes ! ça parle du “rise and fall”, de l’excitation et de la rétention, donc du dégoût aussi. On est double dans l’excitation sexuelle et cette dualité m’intéresse beaucoup. Il faut bien qu’il y ait un moment de sexualité et nous, on ne peut pas le faire parce qu’il ne sera jamais en gros plan. Même si on le filmait, ce n’est pas le théâtre qui le rendrait en gros plan. C’est pour ça qu’on a mis cette fellation.

E.C.T.: On a souvent l’impression que vous avez eu recours à une forme d’écriture surréaliste pour écrire “Les Innocents”. Des passages comme “Dieu est un film porno” par exemple..

D.N.: ça ne va pas vous faire plaisir parce que c’est une moquerie du surréalisme. C’est très vieux pour moi. Je sais que le belges sont très attachés au surréalisme et ça le rend très sympathique. Mais Breton et compagnie, je ne peux pas… Par rapport aux personnes, pas au travail. Par rapport au travail non plus quand il s’agit de Magritte: pour moi, c’est étouffant, ça ne décolle pas. C’est une petite représentation des choses. ça ne vaudra jamais Dubuffet ! Donc, par rapport à la scène, j’ai demandé à une comédienne de dire “Dieu est un film porno, la vie est juste une question d’IVG” et elle le dit avec un ton un peu institutionnel. C’est de la moquerie. Par contre “la vie est juste une question d’IVG”, c’est mon point de vue !

E.C.T.: Pourquoi parler d’orangs-outans et de koalas dans la description de votre pièce ?

D.N.: Le koala, c’est un animal qui me fascine. Il a cette espèce de douceur apparente. D’abord, il a ce nez de clown qui me fait penser à Albert Fratellini, avec ce nez noir qu’il a inventé, il y a des photos où on dirait qu’ils s’enculent tous, mais avec un regard qu’on peut toujours interpréter. C’est comme les primates ! Ils sont essentiels, on a beaucoup travaillé là-dessus parce que c’est la limite de la conscience des choses. Le singe évoque beaucoup plus qu’il ne pense.

Jonathan Lenaert et Marco Bourgaux

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Les Justes-Story de David Noir - Affiche Filifox - Philippe Savoir - Photo Karine Lhémon
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par Cristina Marino

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“L’ART DE DÉPLAIRE SELON DAVID NOIR”

Le Monde Interactif – Sortir
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“LES JUSTES-STORY” :
L’ART DE DÉPLAIRE SELON DAVID NOIR

mercredi 9 janvier 2002
RETIRÉE DE L’AFFICHE PAR PIERRE CARDIN EN JUIN 2001 APRÈS UNE SEMAINE DE PROGRAMMATION DANS SA NOUVELLE SALLE, LA TROUPE DE DAVID NOIR, “LES PURITAINS”, REVIENT SUR LES PLANCHES D’UN THÉÂTRE PARISIEN, LE TRIANON, POUR HUIT REPRÊSENTATLONS EXCEPTIONNELLES DU 7 AU 10 ET DU 14 AU 17 JANVIER 2002. L’OCCASION POUR LE PUBLIC ET LES CRITIQUES DE DÊCOUVRIR ENFIN “L’OBJET DU DÉLIT” ET DE JUGER SUR PIÈCES CETTE CRÉATION HORS NORMES, INTERDITE AUX MOINS DE 18 ANS, AURÉOLÉE D’UN PARFUM DE SCANDALE ET DE CENSURE.

LES INFORMATIONS PRATIQUES
DIFFICILE D’ÉVALUER LA NOUVELLE PIÈCE DE DAVID NOIR À L’AUNE DES CRITÈRES HABITUELS DE LA CRITIQUE THÉÂTRALE. LES SCHÉMAS DE PENSÉE TRADITIONNELS S’APPLIQUENT MAL, EN EFFET, À CET “OBJET THÉÂTRAL NON IDENTIFIÉ” DONT LE PRINCIPAL OBJECTIF SEMBLE ÉTRE DE ROMPRE AVEC LE THÉÂTRE INSTITUTIONNEL ET DE BAFOUER LES PRINCIPES ÉLÉMENTAIRES DE LA REPRÉSENTATION CLASSIQUE. UNE CHOSE EST SÛRE: “LES JUSTES-STORY”, DEUXIÈME CRÉATION DE CE JEUNE METTEUR EN SCÈNE APRÈS “LES PURITAINS” – PIÈCE ECRITE EN 1997-98 ET REPRÉSENTÉE AU LAVOIR MODERNE PARISIEN ENTRE MARS ET SEPTEMBRE 2000 -, NE FAIT PAS DANS LA DENTELLE.

PROVOCATION, MAUVAIS GOÛT, PORNOGRAPHIE, OBSCÉNITÉ… VOILÀ CE QUI CARACTÉRISE AU PREMIER ABORD CETTE “COMÉDIE MANGA-MUSICALE CLOWNESQUE 100% HAINEUSE” POUR REPRENDRE LES TERMES MÊMES DE SON AFFICHE. DÈS LES PREMIÈRES MINUTES DE LA REPRÉSENTATION, TOUT EST MIS EN ŒUVRE POUR METTRE LE SPECTATEUR MAL À L’AISE ET LE FAIRE SORTIR DE SA PASSIVITÉ HABITUELLE. LES ARTIFICES LE PLUS SOUVENT UTILISÉS POUR FAIRE CROIRE À L’ILLUSION DU THÉÂTRE SONT ICI SYSTÉMATIQUEMENT SUPPRIMÉS OU DÉTOURNÉS. PAS DE LEVER DE RIDEAU, PAS DE SALLE PLONGÉE DANS LE NOIR MAIS UNE LUMIÈRE ÉCLAIRANT LE PUBLIC PENDANT TOUTE LA REPRÉSENTATION, DES COMÉDIENS QUI LISENT OUVERTEMENT LEURS TEXTES PLUTÔT QUE DE LES RÉCITER, DES COULISSES VOLONTAIREMENT VISIBLES OU LES MEMBRES DE LA TROUPE DISCUTENT, MANGENT UN MORCEAU, FUMENT UNE CIGARETTE ENTRE DEUX RÉPLIQUES. LA SACRO-SAINTE DISTANCE ENTRE LA SCÈNE ET LA SALLE, RESPONSABLE AUX YEUX DE DAVID NOIR DE LA LÉTHARGIE OU PUBLIC, EST ABOLIE: LES COMÉDIENS CIRCULENT LIBREMENT ENTRE LES FAUTEUILS, S’ASSOIENT À CÔTÉ DES SPECTATEURS ET DISCUTENT AVEC EUX. CETTE VOLONTÉ DE FAIRE RÉAGIR LE PUBLIC, DE LE PROVOQUER JUSQUE DANS SES DERNIERS RETRANCHEMENTS, SEMBLE ÊTRE ÉRIGÉE EN RÈGLE ABSOLUE, EN PRINCIPE DE BASE POUSSÉ JUSQU’À L’EXTRÊME. QUITTE À VOIR PARTIR AU BOUT D’UN QUART D’HEURE DES RANGS ENTIERS DE SPECTATEURS TROP CHOQUÉS OU ÉNERVÉS POUR ASSISTER À LA SUITE DE LA REPRÉSENTATION. INUTILE CEPENDANT DE S’ÉTERNISER SUR LE SUJET MÊME DE LA PIÈCE. CONTENTONS-NOUS DE DIRE QU’IL Y EST QUESTION DE SEXE (BEAUCOUP), D’ARGENT ET DE POUVOIR. THÈMES SOMME TOUTE ASSEZ BANALS MAIS PRÉSENTÉS ICI SOUS LEURS FORMES LES PLUS EXCESSIVES ET OBSCÈNES. LE TOUT IMPRÉGNÉ D’UNE ESTHÉTIQUE TRÈS MODERNE FAITE D’UN MÉLANGE DE MANGAS, DE JEUX VIDÉOS, DE GÉNÉRIQUES D’ÉMISSIONS TÉLÉVISÉES ET D’IMAGES PORNOGRAPHIQUES. LA TROUPE DES « PURITAINS » (HUIT COMÉDIENS ET UNE COMÉDIENNE) DONNE VIE AVEC BEAUCOUP D’ÉNERGIE ET DE CONVICTION À UNE GALERIE DE PERSONNAGES LOUFOQUES À MI-CHEMIN ENTRE HÉROS DE DESSINS ANIMÉS, PRÉSENTATEURS TV, ET STARS DE CINÉMA. TOUS SEMBLENT ÊTRE PRIS AU PIÈGE D’UN IMMENSE JEU TÉLÉVISÉ, UNE SORTE DE “LOFT STORY” EN VERSION TRASH, PRÉSENTÉ PAR UN ANIMATEUR SADIQUE QUI LES SOUMET AUX PIRES HUMILIATIONS. AVEC UNE ENVIE QUASI-MALADIVE DE TOUT MONTRER, TOUT DÉVOILER SUR SCÈNE, SOUVENT MÊME JUSQU’A LA SATURATION ET L’ÉCŒUREMENT: LES CORPS, LES SEXES (PARTICULIÈREMENT CEUX DES HOMMES). LES ACTES LES PLUS BARBARES OU IMMORAUX (PÉDOPHILIE, INCESTE, VIOL, SODOMIE). CE QUI EXPLIQUE EN PARTIE LES RÉACTIONS VIOLENTES DE CERTAINS SPECTATEURS, DONT PIERRE CARDIN (LIRE À CE SUJET NOTRE ARTICLE DU 27 JUIN 2001).
DOMMAGE QUE, DANS CETTE PIÈCE, LA FORME L’EMPORTE SOUVENT SUR LE FOND. EN EFFET DERRIÈRE LES PROVOCATIONS VOLONTAIREMENT OUTRANCIÈRES DE LA MISE EN SCÈNE QUI PEUVENT LÉGITIMEMENT CHOQUER UNE PARTIE DU PUBLIC, LE CONTENU MÊME DES « JUSTES-STORY » MÉRITE LE DÉTOUR. TOUT D’ABORD PARCE QUE DAVID NOIR A UN RÉEL TALENT D’ÉCRITURE ET QU’IL MANIE AVEC HABILETÉ LA LANGUE FRANÇAISE. SON TEXTE EST TRUFFÉ DE JEUX DE MOTS, DES JEUX DE MOTS RÉELLEMENT ORIGINAUX OU PARFOIS PLUS FACILES, POUR DÉPEINDRE LES MAUX DE LA SOCIÉTÉ. IL S’EN DÉGAGE UNE ÉTRANGE MÉLODIE DU CHAOS, UNE POÉSIE DE L’ABSURDE. MAIS IL FAUT TENDRE L’OREILLE POUR LA PERCEVOIR DERRIÈRE LE FRACAS DE LA MUSIQUE ET L’IRONIE BRUYANTE DES PARODIES GRIVOISES DE CHANSONS À LA MODE. DERRIÈRE LES APPARENCES D’UN CIRQUE GRAND-GUIGNOLESQUE, “LES JUSTES-STORY” RECÈLE DE RÉELS TRÉSORS D’ÉCRITURE ET DES INTERROGATIONS TRÈS CONTEMPORAINES.

À UNE ÉPOQUE OÙ L’OBSESSION DU SEXE A ENVAHI LES AUTRES CHAMPS DE LA CULTURE, LA LITTÉRATURE COMME LA PEINTURE, OÙ LES IMAGES DE VIOLENCE ET DE SANG DÉFILENT À LONGUEUR DE JOURNÉE SUR NOS ÉCRANS DE TÉLÉVISION, POURQUOI LE THÉÂTRE RESTERAIT-IL À L’ÉCART DE CETTE TENDANCE GÉNÉRALE ? COMMENT TRADUIRE SUR LES PLANCHES AVEC DES COMÉDIENS EN CHAIR ET EN OS CETTE OMNIPRÉSENCE DU SEXE ? AUTANT DE QUESTIONS AUXQUELLES DAVID NOIR TENTE D’APPORTER UNE RÉPONSE ORIGINALE AVEC SA PIÈCE. AU RISQUE DE DÉPLAIRE À PLUS D’UN SPECTATEUR.

CRISTINA MARINO

Les Justes-Story. Texte et mise en scène de David Noir. Avec la troupe des « Puritains » : Sonia Codhant, Jérôme Coulomb, Stéphane Desvignes, Jean-Hugues Laleu, Jacques Meystre, David Noir, Jean-François Rey, Miguel-Ange Sarmiento, Philippe Savoir. Musiques originales: Jérôme Coulomb. Chant: Any Tournayre. Costumes: Anne-Marie Baron et Valérie Siksik. Production: compagnie La Vie est courte.
Le Trianon. 80, boulevard de Rochechouart, 75018 Paris. Métro: Anvers. Du lundi 7 au jeudi 10 janvier et du lundi 14 au jeudi 17 janvier 2002 à 20h45. Tél. : 01-4424-52-14. Tarifs: 20 € (131,19 F) ; réduit: 15 € (98,39 F).

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Le Monde.fr - Les Justes-Story de David Noir interdit de scène par Pierre Cardin
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“Les Justes-Story” interdit de scène par Pierre Cardin

Extrait (Cliquez sur la vignette de l'article pour voir l'original)

La nouvelle création de David Noir et sa troupe “Les Puritains” a été déprogrammée à l’Espace Pierre Cardin (Paris-8e) une semaine après la première. Pourquoi cette “censure-prise”, pour reprendre le jeu de mots employé par ce metteur en scène pour annoncer la nouvelle aux médias ?

Mis à jour le mercredi 27 juin 2001

 

Vendredi 15 juin, 20h30. Un message tardif tombe dans la boîte aux lettres électronique de plusieurs rédactions parisiennes. Intitulé “Cardin censeur”, il s’ouvre sur un jeu de mots inscrit en majuscules noires: “Censure-prise”. Le metteur en scène David Noir y annonce en quelques lignes la décision prise par Pierre Cardin de retirer de l’affiche de son nouveau lieu de spectacles la dernière création de la troupe des “Puritains”.
La déprogrammation d’une pièce de théâtre une semaine après sa première, voilà une information qui n’aurait guère dû passer inaperçue dans le paysage culturel français. Et pourtant, malgré quelques articles parus de ci, de là, dont une interview de David Noir par Fabienne Arvers dans Les Inrockuptibles, cet événement n’a guère suscité de réactions dans le petit monde de la critique théâtrale parisienne. Retour sur les faits. Il y a quelques mois, Pierre Cardin décide de transformer l’une des salles de son Espace, avenue Gabriel dans le 8e, en un lieu entièrement dédié à la jeune création contemporaine. Il l’a baptise “Le Petit Espace Pierre Cardin” et en confie la direction artistique à Nicolas Laugero, déjà attaché de presse des spectacles montés à l’Espace. Ce dernier fait alors appel à l’auteur, metteur en scène et comédien David Noir pour monter le premier spectacle destiné à inaugurer cette salle. Il connaît le travail de cette compagnie pour avoir assuré les relations presse de leur précédente création au Lavoir Moderne Parisien, “Les Puritains”.
Tout se passe sans accroc pendant les répétitions de la pièce. Mais un incident survient le soir de la première, le mardi 5 juin. Visiblement très choqué par certaines scènes du spectacle de David Noir, Pierre Cardin quitte la salle au bout de vingt-cinq minutes de représentation. Puis, une semaine après, la décision tombe comme un couperet pour la troupe: le retrait définitif des “Justes-Story” de l’affiche du Petit Espace Pierre Cardin, c’est-à-dire la déprogrammation pure et simple des 14 représentations prévues jusqu’au 29 juin. Une entrevue de la dernière chance est organisée entre Pierre Cardin et David Noir. Mais, entre les deux, l’incompréhension est totale, les échanges de mots plutôt violents et la rupture définitivement consommée, d’après les échos rapportés par chacune des parties.
Du côté de l’Espace Pierre Cardin, Nicolas Laugero, tout en affirmant son désir personnel de continuer à défendre coûte que coûte le travail de David Noir, ne peut qu’entériner la décision sans appel prise par le maître des lieux.“Certaines scènes de la pièce “Les Justes-Story” font explicitement allusion à des actes de pédophilie et d’inceste. Aux yeux de Pierre Cardin, cela est totalement incompatible avec son image de marque à travers le monde. En tant qu’ambassadeur de la paix auprès de l’Unesco, il ne peut absolument pas se permettre de laisser penser qu’il cautionne de tels comportements.” Quand on lui fait remarquer que Pierre Cardin aurait pu s’en rendre compte beaucoup plus tôt, bien avant la première, Nicolas Laugero invoque l’emploi du temps très chargé de ce directeur de théâtre aux multiples fonctions, qui ne lui a guère permis d’assister aux répétitions de la troupe avant le soir de la première.

Du côté de David Noir et de sa compagnie “Les Puritains”, l’heure est plutôt à la colère et à un profond sentiment de révolte. “L’attitude de Pierre Cardin à notre égard est totalement incompréhensible. Pourquoi a-t-il attendu une semaine pour nous annoncer la déprogrammation du spectacle ? A-t-il subi entre temps des pressions de la part de son entourage qui l’ont poussé à interdire notre pièce ?” Le metteur en scène affirme n’avoir jamais caché à Pierre Cardin la nature profondément provocatrice de sa nouvelle création. “Les rares fois où j’ai pu le rencontrer, je lui ai montré des photos de mon précédent spectacle, “Les Puritains”, et des extraits de textes. Il pouvait dès lors se faire une idée précise de la dimension extrême de mon travail. Pour moi, il n’y a jamais eu leurre sur la marchandise.”

La prochaine étape pour le metteur en scène? Obtenir des dommages et intérêts de l’Espace Pierre Cardin pour rupture de contrat abusive, mais surtout trouver rapidement une nouvelle salle de théâtre pour accueillir sa troupe.“Car, dit-il, jouer notre spectacle dans un autre lieu serait la meilleure réponse à apporter à l’attitude inadmissible de Pierre Cardin.” Que pense-t-il des arguments invoqués par ce dernier pour interdire la pièce ? “Montrer sur scène des actes à caractère pédophile ou incestueux, ce n’est en aucun cas cautionner ce genre de pratiques. Il ne faut pas confondre les mots et les actes, la représentation théâtrale et la réalité des faits.” Et il ajoute: “1l ne s’agit pas pour moi de faire de la provocation gratuite. Au contraire, “Les Justes-Story” s’inscrit dans la logique de mon précédent spectacle “Les Puritains” et dans le cadre plus général d’une réflexion sur la nature de la représentation théâtrale. A l’image des bouffons du Moyen-Âge, je me situe dans le registre du grotesque, du burlesque, qui bascule parfois dans le tragique. Je cherche à tendre au public un miroir déformant dans lequel les pulsions, les désirs refoulés, toutes ces petites et grandes horreurs qui sont en chacun de nous, apparaissent grossis et exagérés.” L’objectif de David Noir ? Provoquer une réaction de la part du public: “Si cela pouvait faire sortir les spectateurs de l’engourdissement, de la léthargie qui les gagne le plus souvent devant une scène de théâtre, mon travail n’aurait pas été vain. Toute réaction, même la plus violente et radicale, est intéressante.”

Question réaction, celle de Pierre Cardin a sans doute paradoxalement dépassé les espérances de David Noir. Mais peut-être est-ce là aussi, hélas, l’un des revers du métier de bouffon: se voir rejeter dès que l’on cesse de divertir le Prince et sa cour ?

Cristina Marino
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Théâtre : le sexe mis en scène

LE MONDE.FR / 07.06.01 / 116h05
Extrait (Cliquez sur la vignette de l'article pour voir l'original)

Deux pièces à l’affiche à Paris en juin posent la question de la représentation du sexe, souvent sous sa forme la plus brute, sur une scène de théâtre. Il s’agit de l’adaptation française d’un texte du Britannique Mark Ravenhill, Shopping and Fucking, mise en scène par Thierry Harcourt à la Pépinière-Opéra et de la création du Français David Noir au Petit Espace Pierre Cardin, Les Justes Story, avec la compagnie La vie est courte.

 

Information de dernière minute: dans un mail envoyé aux rédactions de différents journaux, David Noir a informé la presse de la décision prise par Pierre Cardin de retirer de la programmation du Petit Espace, mardi 12 juin 2001, une semaine après la première, la nouvelle création de la troupe des Puritains, Les Justes Story.

 

“Interdit aux moins de 16 ans”, “strictement interdit aux moins de 18 ans”, voilà des mentions que l’on s’était habitué à voir sur les affiches de certains films pouvant “heurter la sensibilité d’un jeune public”. Elles font désormais leur apparition – assez discrète pour le moment – sur les affiches de quelques pièces de théâtre. Des pièces qui ne se cachent pas dans l’arrière-salle d’un petit théâtre de quartier mais qui s’inscrivent en toutes lettres sur les façades de deux théâtres privés parisiens: la Pépinière-Opéra et le Petit Espace Pierre Cardin. Des pièces qui n’hésitent pas à montrer les corps dans leurs moindres replis, voire à jouer l’acte sexuel sur scène. Alors, le sexe sur les planches, une nouvelle approche théâtrale ?

Du côté des auteurs et metteurs en scène de ces pièces, le ton est clairement à la revendication haute et forte d’une volonté de choquer et de transgresser les conventions du théâtre traditionnel.
(…) L’auteur et metteur en scène David Noir affiche d’emblée ses intentions: “L’inspiration de ce spectacle est très actuelle et prend sa source dans l’univers adolescent du feuilleton télé fantaisiste, de la BD érotique et du jeu vidéo.(…) Entre compromission ludico-cynique et débats culturels, la forme des ”Justes” s’inscrit volontairement/ complaisamment dans la médiocrité consensuelle de notre société sur fond d’émission radio-télévisée.” Dans la continuité d’esprit de sa précédente création, Les Puritains, à l’affiche du Lavoir Moderne Parisien en juillet et septembre 2000, il affirme vouloir aider le théâtre à “retrouver une expression libre, et dynamique de son art, aujourd’hui loin derrière les trouvailles des arts plastiques, l’avancée des musiques actuelles, et l’invention de nouveaux supports technologiques.”

Côté public, ces pièces suscitent des réactions souvent violentes et très tranchées.
En deux mots: soit on adore, soit on déteste. La demi mesure n’est pas de mise face à de tels spectacles. Les uns encensent le goût de la provocation à tout prix, l’exhibitionnisme clairement affiché – “un désir insatisfait chez beaucoup de spectateurs”, selon David Noir -, l’indécence païenne et jouissive de ces textes. Les autres n’y voient que source de dégoût et d’écœurement, tout en dénonçant la dimension ouvertement pornographique.

Alors, volonté gratuite et stérile de choquer ou électrochoc salutaire contre la routine de la création théâtrale actuelle? Peut-être les deux. Il est sans doute encore trop tôt pour parler d’une véritable tendance artistique et de l’émergence d’un nouveau théâtre contemporain placé sous le signe du sexe. Dans le contexte du moment marqué par la volonté de ne rien cacher de l’intimité du corps, même sous sa forme la plus crue, on assiste peut-être tout simplement à un éphémère effet de mode.

Cristina Marino

Les Justes Story. Texte, bande son, diapos et conception: David Noir. Musiques originales: Jérôme Coulomb. Chant: Any Tournayre. Avec Sonia Codhant, Jérôme Coulomb, Stéphane Desvignes, Jean-Hugues Laleu, Jacques Meystre, David Noir, Jean-François Rey, Miguel-Ange Sarmiento, Philippe Savoir. Une production de la compagnie La vie est courte. Le Petit Espace Pierre Cardin. 3, avenue Gabriel, 75008 Paris. Métro: Concorde. Tél. : 01-44-56-00-13. Du 5 au 29 juin 2001. Du mardi au samedi à 20h30.

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